En août 2014, notre collège a tenu ses premiers cours de vacances pour les élèves entrant en 6ème et 5ème. Ce fut, pour les enseignants et formateurs, une expérience à la fois enrichissante et alarmante. Enrichissante parce que nous avons pu approcher et connaitre nos élèves autrement que pendant l’année scolaire où nous sommes bousculés par le temps et le programme. Alarmante, parce que nous nous sommes rendus compte que la grande majorité d’entre eux a des acquis extrêmement faibles quant à la maîtrise de la langue française et aux connaissances générales.

En histoire, après une leçon sur l’Arabie du VIIe siècle, lors d’une évaluation formative, au lieu de demander l’habituelle restitution par écrit des trois paragraphes du manuel scolaire, nous leur avons posé des questions sur les notions clés de chaque paragraphe. Notons que les idées principales du texte ont été préalablement exposées et expliquées aux élèves. Déroutés par cette nouvelle démarche, n’ayant pas l’habitude de réfléchir, nos élèves ont fourni des réponses telles que « Les Bédouins utilisent des vélos comme moyen de transport et parlent le romain. » Ce type de réponse montre à quel point les élèves perdent pied quand on leur demande autre chose que la simple régurgitation d’une leçon apprise par cœur.

Par ailleurs, ce qui nous a le plus marqué, ce sont les difficultés de nos jeunes devant l’expression écrite. Leur travail écrit est truffé de fautes d’orthographe et de grammaire. La ponctuation est inexistante et les phrases dépourvues de sens. Ne maîtrisant pas les bases minimales attendues en fin de l’enseignement primaire, les élèves ont du mal à rédiger ne serait-ce qu’une phrase correcte. Or, nous savons que celui qui ne sait pas s’exprimer par écrit passe la totalité de ses cours au secondaire en situation d’échec.

Pourtant, ce n’est pas le cas de nos élèves qui, malgré des bases aussi chancelantes, arrivent à passer en classe supérieure. Comment font-ils ? La réponse est simple: ils  apprennent tout par cœur ! C’est la solution la plus pragmatique quand vous ne maitrisez pas les fondamentaux de la langue d’instruction et que le sens des leçons vous échappe complètement.

Pour les enseignants aussi, l’apprentissage par cœur semble rentable comme méthode car plus économique en temps. Il y a un côté sécurisant dans le par cœur. Comprendre nécessite de penser le travail d’une autre façon. Cela nécessite plus de temps et de travail de la part des enseignants et des élèves et, force est de constater, que ni les uns ni les autres sont disposés à fournir cet effort. Se sentant impuissants devant les graves lacunes de leurs élèves, les enseignants du secondaire préfèrent les encourager à continuer dans la voie du « par cœur » et contribuent ainsi à la perpétuation d’un cercle vicieux : sans connaissances minimales, on ne peut qu’apprendre sans comprendre, et en apprenant sans comprendre, on a du mal à acquérir les bases minimales.  C’est ainsi que dans nos collèges, sans le vouloir, nous fabriquons des diplômés du BEPC ignorants.